Elections européennes : le manifeste de Culture Action Europe

Actualités culturelles
15 mai 2014

En vue des élections européennes, Culture Action Europe, dont l'Association Française des Orchestres est membre, interpelle les candidats.

(c) Droits réservés - Culture Action Europe
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L'APPEL DE CULTURE ACTION EUROPE* POUR LES ÉLECTIONS EUROPÉENNES DE 2014

L’Europe fait aujourd’hui face à des défis radicalement différents de ceux des décennies précédentes : la population vieillit, les ressources naturelles se raréfient, les offres d’emplois manquent, et aucun retour en arrière ne sera possible.

Depuis 2008, on affirme aux Européens qu‘ils traversent une crise, la pire depuis 1929. Chaque année, nous nous attendons à une amélioration de la situation. Chaque année pourtant, la réalité nous prouve le contraire.

Plutôt qu’en situation de crise, la réalité européenne doit être davantage perçue comme une transition d’un ordre mondial vers un autre. Cette transition mènera l’Europe soit vers des inégalités croissantes, soit vers un nouvel accord social fondé sur la durabilité et le respect des droits de l’homme, pour les générations présentes et à venir. Ce qu’elle deviendra dépend des choix que nous faisons maintenant. L’Europe dispose de tous les atouts nécessaires, tant matériels que culturels, pour construire un avenir durable : nous devons les exploiter dès maintenant !

La croissance sociale, et non pas économique, doit devenir la priorité de l’Europe d’aujourd’hui. Il faut améliorer nos compétences culturelles, notre aptitude à coopérer et à penser de façon critique notre ouverture à la diversité, et notre curiosité : tous ces éléments sont indispensables pour l’épanouissement d’une société durable où peuvent se développer les droits, les responsabilités et le bien-être partagé. Le domaine des arts et des sciences contribue de manière significative à assurer un accès à l’éducation pour tous ainsi que le respect scrupuleux de l’ensemble des droits de l’homme.

Le moment est venu pour les décideurs et les citoyens de proposer un discours plus large sur l’avenir de l’Europe, en présentant le développement culturel comme une nécessité stratégique.

Le fossé démocratique grandissant dans le processus décisionnel doit être comblé. Les élections de 2014 représentent une opportunité pour rétablir le lien entre les institutions et les citoyens européens. Selon un récent sondage d’opinion eurobaromètre, seuls 33% des citoyens de l’UE font confiance aux institutions européennes.

Les espoirs, les craintes et les priorités des citoyens méritent des réponses qui ne peuvent pas être subordonnées aux exigences des marchés financiers. Nous devons développer un projet politique fondé sur la culture et l’apprentissage, une réponse adaptée aux urgences économiques, culturelles, sociales et politiques. Nous n’avons pas besoin d’une consommation accrue. En revanche, l’Europe ne peut se passer ni de l’éthique ni de la qualité dans tous les aspects de la vie.

L’Europe doit faire face à un nationalisme, voire à un racisme, croissant. Le projet européen doit impérativement relever ce défi. Il faut trouver une alternative convaincante et sérieuse afin d’engager les Européens. Il est indispensable d’imaginer un projet fédérateur. Il s’agit d’une mission culturelle. Les gouvernements locaux sont en première ligne et représentent les principaux alliés dans cette entreprise ; leurs voix doivent être prises en compte dans le processus décisionnel d’une Europe pleinement démocratique.

Par conséquent, Culture Action Europe demande à tous les participants aux élections européennes, et en particulier :

Aux partis et groupes politiques européens :

- De présenter, à travers leurs programmes, une vraie vision de l’Europe et un projet politique crédible.

- D’intégrer la société civile dans le processus de rédaction de leurs programmes, d’encourager une large participation à leurs congrès, où sont adoptées les stratégies de campagne, et de proposer des candidats engagés sur les plans éthique et culturel, prenant aussi en compte l’expression de la société civile.

- De préciser clairement leur appartenance aux alliances et aux partis européens. Cette information est indispensable pour que les électeurs saisissent le positionnement européen des partis et des candidats.

Aux candidats et aux futurs membres du Parlement européen (députés européens) :

- D’offrir une stratégie à long terme et une vision politique qui aille au-delà d’une simple approche économique.

- De mentionner clairement leur appartenance aux partis européens pendant la campagne.

- D’aborder le rôle de la culture, en particulier pendant leur campagne, en insistant sur le caractère fondamental de sa contribution au développement durable, et de s’engager activement afin de susciter un débat continu sur l’importance du facteur culturel.

- De s’engager personnellement à défendre les valeurs qui exercent un impact direct sur la vie des citoyens et qui sont considérées comme les éléments clés des sociétés démocratiques et durables. Entre autres, les futurs députés européens doivent œuvrer en faveur de la liberté d’expression, du droit de participer librement à la vie culturelle de la communauté, de l’accès et la participation aux arts et du partage des avancées technologiques ainsi que de leurs bénéfices. Ils doivent également assurer l’égalité entre les sexes, lutter contre tout type de discrimination, donner la priorité à l’intégration et à la cohésion sociale, jouer un rôle responsable en faveur d’un monde plus sain et plus équitable, assurer l’égalité d’accès à l’éducation et aux soins de santé, investir sans relâche dans la protection de l’environnement et dans l’économie verte.

- De créer un Intergroupe du Parlement européen consacré à la culture dans le but de cultiver les synergies et les débats intersectoriels, de promouvoir l’intégration de la culture considérée comme ressource principale du développement durable dans tous les programmes et politiques concernés (des relations extérieures à la cohésion, de l’éducation et l’apprentissage à l’économie et à l’emploi) dans la révision du traité ainsi que dans l’ensemble des processus politiques et législatifs.

Aux partis, aux candidats et aux futurs MPE :

- De promouvoir la mise en place d’une évaluation de l’impact culturel en amont de l’adoption des politiques dans des domaines tels que l’éducation et l’apprentissage, l’architecture et l’aménagement urbain, les droits économiques et civils ainsi que, bien évidemment, les arts et le patrimoine.

- De prendre les mesures nécessaires à la mise en œuvre des engagements internationaux dans le domaine de la culture et du patrimoine (ex : la Convention de l’UNESCO de 2005 sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles).

- D’intégrer la société civile dans les processus décisionnels des institutions européennes, en assurant un niveau de transparence plus élevé, en les informant le plus tôt possible dans le processus législatif, en les consultant régulièrement et en établissant des relations stables avec les citoyens.

- D’opérer pour le bien de tous les citoyens européens et pour ce faire, de montrer si nécessaire leur indépendance à l’égard des intérêts nationaux.

- D’encourager la révision de la stratégie Europe 2020, en plaçant le bien-être et le développement du capital social au cœur d’une stratégie pour une Europe durable.

- De promouvoir la mobilité artistique et culturelle au sein de l’Europe (« Erasmus for the arts ») et de supprimer tout ce qui peut lui faire obstacle, y compris les dispositions complexes en matière de visas et les conditions d’imposition et de protection sociale impossibles à concilier. De manière générale, d’encourager davantage la coordination des systèmes de protection sociale européens afin de garantir le bien-être des citoyens ainsi que des conditions de travail et de production décentes pour tous.

- D’adopter la réglementation nécessaire pour reconnaître les droits économiques des créateurs et des producteurs, face à ceux des distributeurs et des intermédiaires.

- D’empêcher activement toute érosion du rôle de la sphère publique, en particulier dans les domaines de la culture, des arts, de l’éducation, de la recherche scientifique, de la citoyenneté et des droits de l’homme (qui sont autant de valeurs européennes fondamentales dans lesquelles il faut investir).

- En particulier, de s’assurer que les négociations sur un partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (PTCI) entre les Etats-Unis et l’Union européenne ne diminuent pas nos standards sociaux et environnementaux et ne débouchent pas sur la réduction de la sphère publique au sein de nos sociétés ou sur l’abandon des droits des créateurs.

* Depuis 1992, Culture Action Europe (CAE) est le principal réseau culturel européen. Aujourd’hui, CAE porte la voix de plus de 80 000 organisations regroupées à travers les 115 membres de CAE, actifs dans tous les domaines culturels et artistiques : des musées aux bibliothèques publiques, des architectes aux associations d’écrivains, des festivals aux salles d’opéra, des instituts de recherche aux centres culturels, des théâtres aux associations pour la promotion sociale et éducative, des orchestres et des conservatoires aux Conseils de la musique, des arts de la scène aux arts visuels, et des organisations représentant les employeurs aux organisations représentant les travailleurs. CAE a pour objectif de placer la culture au cœur du débat public et des prises de décision à tout niveau, du local à l’européen, en tant que composante essentielle au développement de sociétés durables fondées sur le respect des droits universels de l’homme, pour les générations présentes et à venir. L’association vise également à encourager le développement démocratique de l’Union européenne, considéré comme la première et la plus ambitieuse tentative d’instituer une nouvelle forme de démocratie fondée sur le respect des droits de l’homme et sur la reconnaissance de l’identité complexe de l’Europe, excluant l’hégémonie d’une seule langue, culture ou religion.

Avec le soutien de la Fondation européenne de la Culture.

Télécharger la lettre adressée aux candidats : Lettre CAE France aux candidats UE 2014